L’ostéochondrose chez le cheval : comment la prévenir ?
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L’ostéochondrose chez le cheval : comment la prévenir ?

L’ostéochondrose équine est l’une des maladies orthopédiques développementales les plus courantes chez les chevaux, et son incidence semble augmenter. Cette pathologie est présente dans le monde entier chez de nombreuses races, ce qui coûte d’énormes sommes d’argent à l’industrie équine. Mais alors qu’est-ce que l’ostéochondrose, autrement appelée « l’OCD » ? Dans cet article, nous allons examiner de plus près le développement osseux du jeune cheval, son lien avec l’ostéochondrose ainsi que les facteurs de risque associés.

 

Cheval qui galope dans un champ de fleurs.

Le système squelettique du cheval

Avant de se plonger dans le vif du sujet, un petit rappel du système squelettique du cheval est nécessaire. Le processus du développement osseux permet d’expliquer la nature complexe de la croissance chez le cheval, où l’ostéochondrose peut se développer.

Le squelette

Les os du cheval

Le squelette du cheval est constitué d’environ 206 os. Les os constituent la charpente du corps du cheval. Ils fournissent un cadre, soutiennent les parties molles du corps et protègent les organes vitaux qu’ils contiennent. Le mouvement et la locomotion sont créés et contrôlés au moyen d’articulations, de ligaments et de muscles qui maintiennent ensemble les parties du squelette.

Dans le squelette, nous retrouvons 4 grandes catégories d’os différents :

  • Os longs (ex. fémur ou canon) : aident à la locomotion, réservoir de stockage des minéraux
  • Os courts (se trouve dans les articulations) : absorber la commotion
  • Os plats (ex. crâne) : entourent les cavités corporelles contenant les organes
  • Os irréguliers (ex. la colonne vertébrale) : protègent le système nerveux central

 

Le cartilage dans le corps du cheval

En plus des os, nous trouvons également le cartilage. Le cartilage est un tissu conjonctif flexible présent dans tout le corps. Il est plus rigide que la plupart des autres types de tissu conjonctif. Mais il est suffisamment flexible pour résister aux forces de compression sans se briser, ni se déformer de façon permanente.

Le cartilage a 3 fonctions principales :

  • Il fournit un cadre de soutien aux parois des voies respiratoires (nez, trachée, larynx et bronches) qui les empêche de s’effondrer.
  • Il forme les surfaces articulaires des os.
  • Il fonctionne comme un modèle pour la majorité du squelette (le cartilage hyalin est un précurseur de l’os in utero et s’ossifie pour former le squelette fœtal).

 

Le développement des os longs chez le cheval

Le développement des os commence dès le premier mois de gestation, et se poursuit au-delà de 18 mois d’âge. La croissance des os longs est généralement du plus grand intérêt en raison de son impact sur la santé du cheval. C’est bien aux extrémités de ces os que l’on peut observer l’ostéochondrose.

Les os sont des tissus vivants, contenant des vaisseaux sanguins et des nerfs. L’extérieur des os longs est constitué de trois parties principales :

  • Épiphyses : les extrémités de l’os, on trouve du cartilage sur la surface articulaire
  • Diaphyse : le milieu de l’os (ex. dans le canon, c’est dans la forme d’un tube cylindrique)
  • Métaphyse (ou physis) : des zones de croissance entre la diaphyse et l’épiphyse

Dans l’os long en croissance, la métaphyse, ou « plaque de croissance » est une couche de cellules en prolifération et une matrice cartilagineuse en expansion. La matrice cartilagineuse de chaque os est formée pour être ensuite remplacée par un tissu osseux lors du processus d’ossification endochondrale. L’ossification endochondrale est un processus par lequel l’os se forme en remplaçant une ébauche cartilagineuse. Cela se produit dans les os longs. Cette ébauche cartilagineuse des os commence à se former dans l’embryon dès 6 à 8 semaines.

Crédit image : amar-constantine.e-monsite.com

 

Qu’est-ce que l’ostéochondrose -OCD- pour le cheval ?

L’ostéochondrose est une affectation ostéoarticulaire qui se développe généralement au cours des premières années de vie chez le jeune cheval (moins de deux ans). Nous pouvons observer des signes cliniques dans 5 à 25% des cas. L’ostéochondrose (OCD) du cheval est dû au développement anormal de tissu cartilagineux et osseux dans les articulations. L’OCD peut causer des boiteries, une diminution des performances et même des lésions articulaires graves. En effet, le cartilage mal formé est d’épaisseur irrégulière et plus faible que dans les articulations normales. Cela peut donc entraîner des problèmes de santé articulaires persistants.

Les différents types d’ostéochondrose

Nous pouvons observer deux types de lésions dû à la « malformation cartilagineuse » :

  • L’ostéochondrose disséquante: un fragment d’os et de cartilage peut se détacher dans l’articulation (à cause des mouvements répétés de l’articulation) et rester libre au sein du liquide synovial (liquide visqueux situé au niveau des articulations, dont le rôle est de lubrifier les articulations).
  • L’ostéochondrose kystique : comme le nom indique, on peut observer la formation d’un kyste au sein de l’os.

Que le fragment soit fixé ou libre, il va déclencher une inflammation de l’articulation, voire des lésions secondaires. Les lésions peuvent apparaître et se résorber naturellement jusqu’à 18 mois d’âge.

 

Où trouve-t-on l’ostéochondrose chez le cheval ?

L’ostéochondrose peut apparaître dans n’importe quelle articulation du squelette du cheval. Elle survient le plus souvent au niveau du jarret, du grasset et du boulet. Cependant, elle peut également apparaître au niveau du cou, de l’épaule, du coude et de la hanche.

 

Quels sont les facteurs de risque ou de prédisposition de l’ostéochondrose ?

Bien que les mécanismes exacts de l’ostéochondrose chez le cheval ne soient pas complètement compris, il est largement admis que plusieurs facteurs peuvent influencer le développement de cette maladie. Les plus étudiés sont la génétique, la nutrition et l’exercice physique. Cependant, d’autres incluent la conformation, les forces biomécaniques, les traumatismes, la réponse au stress, l’environnement in utero et les interactions hormonales. Il est fort probable qu’une combinaison de facteurs joue un rôle.

 

1er facteur : la génétique du cheval

Bien que le schéma héréditaire de l’ostéochondrose ne soit pas bien défini, la génétique peut avoir une part de responsabilité. Il a été observé que l’incidence de l’OCD est différente selon les races de chevaux. De même que cette pathologie n’apparait pas toujours au sein des mêmes articulations et pas de la même manière non plus. Cela indique que la génétique est un facteur important pour l’ostéochondrose. Certaines races comme les Trotteurs français, le Pur-sang ou l’AQPS sont prédisposées à développer certaines lésions d’OCD.

2ème facteur : l’alimentation

La gestion des apports alimentaires de la mère pendant la gestation puis celle du poulain pendant sa croissance est un élément clé à considérer dans la prévention de l’OCD. Voici quelques pratiques d’alimentation à prendre en considération.

Minéraux : carences, excès et déséquilibres

Les carences ou les excès en minéraux, notamment en calcium, phosphore, cuivre et zinc, peuvent entraîner l’apparition de l’ostéochondrose chez le cheval.

 

Le calcium

Le calcium est essentiel à la construction et au maintien d’os sains tout au long de la vie. Afin d’assurer la bonne minéralisation de l’os, il faut assurer des apports de calcium et de phosphore suffisants. C’est-à-dire que le ratio calcium/phosphore soit adapté pour couvrir les besoins de votre cheval en fonction de son stade physiologique. Un excès de calcium peut bloquer l’assimilation d’autres minéraux comme le zinc, le cuivre, le sélénium et l’iode. Cet excès peut entrainer des effets néfastes sur le développement osseux. En plus des bonnes proportions de calcium et phosphore, il faut également assurer une quantité suffisante de vitamine D. Sans aller vers l’excès, la vitamine D joue un rôle dans l’absorption intestinale de calcium et de la minéralisation osseuse.

 

La bonne proportion de minéraux

La proportion de minéraux peut être aussi importante que la quantité réelle de minéraux individuels dans la ration. Par exemple, il a été observé que des niveaux élevés de phosphore dans la ration inhiberaient l’absorption du calcium, conduisant à une carence, même si la quantité de calcium présente était normalement adéquate. Le rapport calcium/phosphore dans la ration des jeunes chevaux ne doit jamais descendre en dessous de 1:1.

Même dans le cas où le besoin physiologique en nutriments est satisfait chez votre cheval, il a toujours un besoin comportemental de chercher la nourriture. Le manque d’occasion de mâcher en raison de la manière dont l’alimentation est présentée est connu pour être lié non seulement aux stéréotypies orales, mais aussi aux comportements redirigés, comme le fait de mâcher du bois.

 

Le cuivre

Le cuivre est un minéral d’intérêt particulier dans le cas de l’ostéochondrose. En effet, le cuivre est un cofacteur des enzymes qui interviennent dans la synthèse, la maturation et les transformations de la matrice cartilagineuse dans le processus d’ossification. De nombreuses études ont démontré un lien entre une carence en cuivre et l’apparition de lésions d’ostéochondrose. Par exemple, dans une étude dans laquelle des régimes contenant soit une teneur élevée en cuivre (25 mg/kg), soit une faible teneur en cuivre (7 mg/kg) ont été administrés à des poulains, ceux du groupe à faible teneur en cuivre présentaient des lésions d’OCD, de physite et d’autres déformations des membres. Cela contrastait avec le groupe à teneur élevée en cuivre, où ces anomalies étaient essentiellement absentes. Des sources de cuivre chélatées ont tout à fait l’intérêt pour garantir une meilleure assimilation.

Le statut en cuivre du poulain est lié à l’apport alimentaire maternel pendant la gestation. Effectivement, le phénomène d’ossification débute in utero et c’est à cette période que se mettent en place les réserves hépatiques du poulain en cuivre. Cependant, le statut en cuivre du poulain ne semble pas amélioré par la supplémentation de la jument après le poulinage.

 

L’impact de la suralimentation

 

La surnutrition de la jument gestante

L’état nutritionnel des juments est un élément essentiel pour le développement optimal du fœtus, dès la conception et se poursuit jusqu’au sevrage avec la production laitière pendant la lactation. Cependant, une erreur souvent rencontrée sur le terrain est la jument gestante en surnutrition. Dès que la poulinière est pleine, nous avons tous envie de bien la nourrir car elle mange pour deux. Cependant, pendant les 2/3 de la gestation, le fœtus croît doucement. Les besoins de la jument gestante, non allaitante, ne sont donc pas si différents de ceux d’un cheval adulte à l’entretien. Pendant cette période, un fourrage ou du pâturage de bonne qualité, avec un aliment minéral adapté afin de couvrir les besoins en vitamines et minéraux, sont normalement assez pour couvrir les besoins des juments. Il faut éviter la suralimentation et l’obésité pendant cette période.

 

L’importance de la note d’état corporel

Afin de minimiser ce type d’erreur, le suivi de la note d’état corporel pourrait être un bon indicateur. Une étude a pu démontrer que l’obésité maternelle pendant la gestation est associée à la résistance à l’insuline, qui altère l’environnement maternel du poulain. Ces altérations de l’environnement maternel augmentent l’inflammation de bas grade, la résistance à l’insuline et le développement transitoire de lésions d’ostéochondrose chez les poulains et les yearlings jusqu’à l’âge de 18 mois. Ils recommandent que les poulinières soient maintenues dans une condition physique optimale (autour de 3/5 ou 6/9 selon l’échelle) pendant la gestation.

 

La ration alimentaire du poulain

Wolter (2014) a déclaré que l’ostéochondrose est la maladie osseuse d’opulence. Les poulains sont trop fortement nourris avec des rations non équilibrées. Pour le jeune poulain en croissance, la suralimentation énergétique et l’excès d’amidon agissent de deux manières : hormonale et mécanique. L’excès d’amidon engendre des déséquilibres hormonaux qui perturbent la minéralisation osseuse, et donc la qualité de l’os et du cartilage. L’excès d’alimentation énergétique provoque également une prise de poids trop importante pour un squelette qui est encore en développement, avec des articulations insuffisamment ossifiées. Des études ont pu faire le lien entre un périmètre élevé au niveau du passage de sangle dès le plus jeune âge et un exercice irrégulier avec un mauvais état ostéoarticulaire chez les poulains. Une ration alimentaire individualisée est très importante afin d’assurer une croissance harmonieuse de votre poulain.

 

Les apports en protéines

La nutrition protéique a souvent été considérée comme un facteur important de risque d’ostéochondrose car les os sont en partie constitués de protéines (20 % du poids total des tissus bruts). Un faible apport de protéine peut réduire la capacité de croissance tant en longueur qu’en largeur de l’os. Mais pour observer ces effets négatifs sur les os, il faudrait d’abord observer les signes d’une malnutrition généralisée. Les effets d’un excès de protéines sont parfois considérés comme un facteur de risque. Cette hypothèse semble aujourd’hui peu plausible. Un apport en protéines supérieur aux besoins estimés de l’animal n’augmente pas sa vitesse de croissance. Le rythme de croissance des os et des muscles est génétiquement prédéterminé et ne peut être dépassé une fois les besoins énergétiques satisfaits.

 

3ème facteur : le mode de vie et l’activité physique du poulain

L’étude de Vander Heyden et al (2012)

Le mode de vie du poulain pendant les premiers mois de vie joue également un rôle dans l’incidence de l’ostéochondrose. L’étude de Vander Heyden et al (2012) a observé que les poulains hébergés exclusivement au pâturage jusqu’à l’âge d’un an sont significativement moins touchés par l’OCD que les poulains exclusivement hébergés en box, mais aussi moins que les poulains hébergés alternativement en box et au pâturage. Ceci est lié au niveau d’exercice des poulains.

Au moment de la mise au pré, il y a une augmentation forte de l’activité physique. Mais ce n’est pas si simple que ça ! Ces résultats doivent être pris avec précaution car d’autres études n’ont pas observé un lien entre le mode de vie et l’incidence de l’OCD. Il y a d’autres facteurs à prendre en considération, comme la taille des prés, le type de terrain et la taille du troupeau qui jouent également dans l’incidence de l’ostéochondrose.

 

Un faible niveau d’exercice régulier pour le poulain

Barneveld et Van Weeren (1999) ont précédemment déclaré que l’exercice semble être un facteur important dans la détermination de la composition finale du cartilage et constitue donc un outil potentiellement puissant pour améliorer la résistance aux blessures. Des études ont montré qu’un faible niveau d’exercice régulier permet une croissance ostéoarticulaire homogène, contrairement à un exercice intensif occasionnel de courte durée qui peut induire des dommages traumatiques du cartilage articulaire.

 

Conclusion

Au total, un tiers de la population équine pourrait être touché par l’ostéochondrose, avec une prévalence pouvant atteindre 44 % en Europe. L’apparition de l’ostéochondrose est influencée par une interaction complexe de différents facteurs. Ces derniers peuvent être le taux de croissance du squelette, des facteurs nutritionnels et endocriniens, la génétique, l’exercice et la biomécanique. Une gestion attentive de la jument gestante et du poulain en croissance jusqu’à l’âge de 2 ans joue un rôle important sur la santé ostéoarticulaire du poulain. Si vous souhaitez élaborer un programme alimentaire pour vos chevaux d’élevage, contactez nos conseillers techniques.

 

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