Le fourrage occupe une place centrale dans l’alimentation du cheval. Qu’il s’agisse de foin, de pâturages ou d’autres sources de fourrage, il constitue la majeure partie de la ration quotidienne du cheval. Un fourrage de qualité est une source essentielle d’énergie, de protéines, de vitamines et de minéraux.
Cependant, ces apports varient considérablement selon plusieurs facteurs : l’espèce végétale, le stade de développement, la coupe, les conditions de récolte, le conditionnement du fourrage, et les conditions climatiques.
Dans cet article, nous explorons les principaux facteurs qui influencent la qualité du fourrage et du foin pour le cheval ainsi que les méthodes d’analyse permettant d’évaluer sa valeur nutritionnelle.
L’importance du fourrage dans l’alimentation du cheval
Le fourrage, riche en fibres, constitue la base de la ration alimentaire du cheval. Ces fibres obligent le cheval à bien mâcher, stimulant ainsi la production de salive nécessaire à la déglutition, la dégradation de certains nutriments et la neutralisation de l’acidité gastrique dans son estomac.
Pour maintenir une bonne santé digestive, nous recommandons de nourrir au moins 1,5% du poids corporel de votre cheval en fourrage quotidiennement. Les chevaux qui vivent dans des prairies de qualité avec un accès libre au foin n’ont généralement aucun problème à satisfaire à cette exigence minimale.
Les facteurs qui influencent la valeur nutritionnelle du fourrage
La composition floristique
La qualité d’une prairie repose sur sa diversité végétale. Selon Wolter (2014), une prairie idéale se compose de :
- 65 à 70 % de graminées, avec un niveau de productivité moyen à élevé (comme le ray-grass anglais, la fléole des prés, le dactyle ou la fétuque des prés…).
- 20 à 25 % de légumineuses (comme la luzerne, le trèfle ou le sainfoin…), riches en protéines et en calcium.
- 5 à 10 % de plantes diverses (comme le pissenlit, le plantain…), riches en oligo-éléments.
Le choix des plantes doit se faire en fonction de la qualité du sol (ex. drainage, pH), du climat, et des valeurs nutritionnelles souhaitées (ex. davantage de légumineuses pour un fourrage plus riche en protéines destiné aux chevaux en reproduction). La composition du fourrage vert détermine ensuite la valeur nutritionnelle du fourrage conservé, comme le foin ou l’enrubanné.
La saison
La productivité et la valeur nutritionnelle de l’herbe dans les pâturages – graminées et légumineuses – évoluent au fil des saisons. Avec l’arrivée des beaux jours au printemps, on observe un fort pic de pousse de l’herbe.
En revanche, avec la hausse des températures pendant la période estivale, la croissance des fourrages verts diminue, particulièrement en cas de sécheresse prolongée. Un automne doux et ensoleillé peut relancer la pousse de l’herbe, mais dès l’entrée dans la période hivernale, celle-ci s’arrête.
Avec cette variabilité saisonnière, nourrir et couvrir les besoins nutritionnels de votre cheval au pâturage tout au long de l’année n’est pas toujours possible. C’est pourquoi on conserve les excédents du printemps sous forme de fourrage conservé (foin ou enrubanné) afin de répondre aux besoins pendant les périodes moins productives, notamment en hiver.
L’effet saison sur la croissance moyenne d’une graminée fourragère (d’après de Wolter, 2014).
Le stade de développement au moment de la coupe
Le stade de développement influence également la valeur alimentaire de l’herbe et du foin. Le développement des graminées peut être divisé en 7 stades (ACDF, 2024) :
- Stade 1 – Feuillu ou Tallage : on observe l’émission des tiges, dont la tige principale commence à s’allonger. La plante est principalement constituée de feuilles riches en énergie (sous forme de sucres solubles) et en protéines.
- Stade 2 – Montaison : la tige principale s’allonge, et le nœud supérieur, avec l’ébauche de l’épi, est visible à environ 10 cm du sol.
- Stade 3 – Début épiaison : la pointe de l’épi émerge de la gaine foliaire, avec environ 10% des épis visibles.
- Stade 4 – Pleine épiaison : toute la longueur de l’épi est visible, avec environ 50% des épis visibles.
- Stade 5 – Fin épiaison : tous les épis sont visibles et prêts à fleurir.
- Stade 6 – Floraison : les sacs de pollen apparaissent sur tous les épillets.
- Stade 7 – Maturité des graines : les épis ont perdu leur couleur verte et sont devenus durs et mûrs.
Les jeunes graminées (stades 1 ou 2) connaissent une croissance rapide, appelée la phase « végétative ». C’est à ce stade qu’elles ont une valeur nutritionnelle très élevée, autour de 0,89 UFC (unité fourragère cheval – énergie) par kilogramme de matière sèche et 120 g de MADC (matière azotée digestible cheval – protéine) par kilogramme de matière sèche.
À mesure que les plantes mûrissent, elles deviennent plus fibreuses et perdent en richesse nutritionnelle, notamment en protéines et en énergie. Une fois complètement matures, elles atteignent le stade de reproduction, où leur valeur nutritionnelle est relativement faible. Le niveau d’énergie et de MADC peut se diviser par deux, voire par trois à ce stade, par rapport au stade végétatif.
C’est bien le stade au moment de la coupe qui aura le plus d’impact sur la qualité nutritive du fourrage conservé.
La gestion des parcelles
La gestion des parcelles, comme le déprimage ou la fertilisation, permet d’agir sur la qualité ou la quantité d’herbe dans nos prés.
Le déprimage consiste à éliminer les épis des plantes les plus précoces et à retarder l’arrivée des graminées au stade épiaison. Cette opération peut être réalisée en faisant passer vos chevaux sur la parcelle de fauche pour une durée très courte en début de printemps. Cela permet d’améliorer la qualité des fourrages récoltés plus tardivement sur ces parcelles, car les plantes sont moins matures au moment de la récolte.
La fertilisation azotée peut être intéressante pour les parcelles de graminées ; en revanche, elle peut avoir un effet négatif sur les parcelles de légumineuses (ex. trèfle, luzerne…). L’apport azoté favorise la croissance des graminées et permet de maximiser la quantité de fourrage récolté. Contrairement à une idée reçue, l’apport de fertilisants n’améliore pas directement la qualité du fourrage produit. La valeur nutritive dépend principalement de la qualité du sol, du stade de développement des plantes et de la période de l’année.
La récolte et le stockage du foin
Après que l’herbe a bien poussé dans vos prés, il est essentiel de ne pas négliger les conditions de récolte. De bonnes conditions de récolte sont nécessaires pour préserver la valeur nutritionnelle de la plante, et donc garantir la qualité du foin obtenu. Ces conditions dépendent non seulement de la météo, mais aussi du déroulement du travail de coupe.
La météo
Comme vous pouvez imaginer, la météo joue forcément un rôle dans la qualité du foin obtenu. Le moment de la coupe demande une bonne « fenêtre météo » avec au moins 4 à 5 jours consécutifs de beau temps. La température, le vent et l’ensoleillement influencent le temps de séchage nécessaire pour atteindre une teneur en humidité correcte, permettant de stocker le fourrage sans risque de moisissure. Plus le séchage est rapide, moins la plante perd en valeur nutritive.
Une bonne « fenêtre météo » est essentielle, car si le foin est exposé à la pluie, son temps de séchage sera prolongé. La pluie provoque le lessivage des éléments nutritifs et minéraux. Elle favorise également le développement de moisissures.
Les méthodes de récolte et la qualité du fourrage
Pour assurer un séchage uniforme, il est souvent nécessaire de passer la faneuse dans le foin après la coupe et avant le pressage et la mise en balles. Le fanage a pour objectif d’accélérer le séchage du fourrage coupé en augmentant la surface d’échange entre l’air et les végétaux. Il est idéal de réaliser un premier fanage juste après la coupe. Attendre, ne serait-ce que 48 h après la coupe, peut favoriser le développement de mycotoxines.
Cependant, le nombre de passages de la faneuse doit être limité pour préserver la qualité du foin. En effet, chaque passage peut casser les fibres et faire tomber les feuilles, qui constituent la partie la plus riche en nutriments de la plante. Si des passages supplémentaires sont nécessaires, par exemple en raison de la pluie après la coupe ou d’un séchage trop lent, il est important d’adopter une vitesse adaptée pour minimiser les pertes.
L’utilisation d’une andaineuse peut également permettre de former des andains plus étroits et plus hauts qu’avec un fanage classique. Cela permet une meilleure circulation de l’air entre les fibres et les feuilles, accélérant le séchage.
Le moment de la journée pour récolter le fourrage
Enfin, le moment de la journée où débute le travail a un impact sur la qualité du fourrage séché. Lors de la coupe ou du fanage, il est préférable de commencer le travail après l’évaporation de la rosée du matin. Lorsque les températures sont élevées, les feuilles sont plus cassantes, ce qui augmente le risque de pertes des parties les plus nutritives du fourrage.
Une coupe matinale permettra au foin fraîchement coupé de profiter de la période la plus chaude de la journée (12 – 15h) pour débuter son séchage. De plus, le foin coupé le matin est moins riche en amidon, car la plante utilise ses réserves pendant la nuit, lorsqu’elle ne peut pas faire de photosynthèse (Prud’homme et Morvan Bertrand, 2024).
La préservation et le stockage du foin
La mise en bottes du fourrage peut être réalisée lorsque le taux d’humidité atteint environ 15 %, soit 85 % de matière sèche. Avant de stocker les bottes de foin dans votre hangar, il est recommandé de les laisser reposer au moins 15 jours au champ, si la météo le permet. Cette étape vise à éviter d’introduire des bottes encore chaudes en leur cœur dans les hangars. Ce dégagement de chaleur, parfois intense, peut se produire pendant plusieurs jours après le pressage. Les incendies de granges à foin sont souvent dus à un stockage trop rapide de bottes insuffisamment refroidies.
Après avoir bénéficié de très bonnes conditions de récolte, il serait dommage que votre foin prenne de l’humidité pendant le stockage. Pour éviter que l’humidité ne pénètre dans le foin par capillarité depuis le sol, il est conseillé de stocker les bottes de foin sur des palettes.
Une autre astuce pour le stockage consiste à organiser vos bottes de foin selon l’ordre de production ou à les regrouper en fonction des conditions de production, ce qui facilite leur gestion en fonction de leur qualité.
La qualité nutritive du foin
Dans notre article « Fourrage du cheval : qu’est-ce qu’un bon foin ? », nous avons décrit les critères visuels et olfactifs pour évaluer la qualité du foin :
- La couleur
- L’odeur
- La nature de la flore
- L’absence de corps étrangers
Ces critères constituent un bon point de départ pour évaluer la qualité du foin. Mais rien ne remplace une analyse en laboratoire, qui fournit des informations précises sur les niveaux de protéines, de fibres, de minéraux et d’autres nutriments présents dans le foin. En fonction des besoins spécifiques de votre cheval, vous pourrez ainsi ajuster son alimentation en conséquence.
Bien que l’analyse par spectroscopie infrarouge (NIRS) soit possible dans certains laboratoires, nous suggérons d’opter pour une analyse chimique pour une plus grande précision. L’analyse infrarouge est une méthode rapide et souvent moins coûteuse. Mais si l’étalonnage de la machine n’est pas bien calibré, notamment au type de foin analysé, les résultats peuvent différer considérablement de ceux obtenus par une analyse chimique.
Conclusion
Choisir un foin de qualité pour votre cheval est essentiel pour sa santé et son bien-être. Comprendre les facteurs qui influencent cette qualité peut vous aider à faire votre choix en matière de fourrage. La qualité du fourrage, dont le foin, tout comme la quantité distribuée, joue un rôle important sur la santé de votre cheval et l’équilibre de sa ration alimentaire.
N’hésitez pas à contacter nos conseillers techniques si vous souhaitez réaliser des analyses de fourrage. Ces analyses vous permettront de composer une ration parfaitement adaptée aux besoins de votre cheval.
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